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Arrivés au croisement, j’eus l’intuition, si je puis dire, qu’il fallait que nous allions à gauche. Je pris la main d’Œil d’aigle et nous pressâmes le pas jusqu’aux berges d’un fleuve où nous nous sentîmes en sécurité. Il y avait non loin de nous quelques autres manifestants venus aussi fuir ici, dont un qui tenait une pancarte « Une civilisation durable est une civilisation sans technologie ». Drôle de coïncidence pas drôle, pensai-je. Nous allâmes à sa rencontre pour essayer de discuter avec lui. La discussion, le débat ne fut pas facile. Difficile pour nous de lui faire prendre conscience de ce qui nous étaient de ses erreurs de raisonnement. Non pas tant du fait de l’agitation ambiante et que nous n’étions pas préparés à débattre de ce genre de sujet à brûle pourpoint, contre des présupposés, des considérations des gens de son époque, ou pas que, plus du fait qu’il avait adhéré à une idéologie comme à une religion et semblait avoir du mal à accepter d’autres idées viables pour de la durabilité.
Moi : « Si j’ai bien compris, vous êtes un partisan du mouvement ATR,
un de l’Anti-Tech Resistance qui considère la fin de la technologie comme prioritaire ? »
Lui : « Tout à fait, il ne faut pas se leurrer, il ne faut pas rêver, la technologie
ne sauvera personne, c’est même la source des problèmes pour toutes les vies. »
Œil d’aigle : « Vous ne croyez pas que vous exagérez, et que vous vous méprenez entre cause et effet ? »
Lui : « Point du tout, seul le démantèlement du système technologique nous sauvera,
si vous y pensez bien, vous arriverez à la même conclusion, suffit de bien y penser. »
Moi, riant nu peu jaune : « Je pense que vous faites probablement une erreur de stratégie, et que vous êtes plus dans l’arbitraire loi
que dans un raisonnement du cause à effet bien compris, et qui vous conduit à de l’aveuglement,
ou disons à être contre-productif, à faire ce que vous critiquez : vous leurrer et leurrer. »
Lui, riant jaune à son tour : « Pensez ce que vous voulez, concrètement, il n’y a pas 36 solutions pour une planète habitable, pour les êtres vivants,
il faut en finir avec l’ère industrielle, cela devrait être la cause commune, dans un même élan. »
Œil d’aigle : « Ne faites-vous pas une erreur de sémantique ? Et dans la lutte concrète, de priorité ?
Il y a industries et technologies, il y a dans quel but et pour quelle fin, et les moyens d’y arriver. »
Lui : « En fait, vous dénigrez le mouvement ATR sans bien comprendre les idéaux ?!
Et ne croyez pas qu’il y a de bon usage, que la croissance verte vous sauvera des flots. »
Moi : « Ne préjugez pas non plus. Nous sommes contre l’idéologie de croissance par principe, contre l’économie non économique pratiquée.
Et imaginons que vous avez raison sur les idéaux, sur la finalité, pour concrétiser
vous serez, vous êtes confrontés au même problème que les peuplades écologiquement irréprochables
qui sont les premières à subir les conséquences du dérèglement climatique, des irresponsables.
Et sans penser à un plan de transition ou pouvoir s’assurer que l’organisation sociale favorisera de la pérennité… »
Lui : « Par essence, un système non technologique, non industriel sera forcément pérenne. »
Œil d’aigle : « Peut-être bien, mais de quoi en douter, de quoi penser qu’il pourrait y avoir plus de peines. »
Moi : « Et en fait, à votre époque, beaucoup de gens sont persuadés de détenir les clés contre le système et les fascistes,
ou tentent de persuader qu’ils servent la cause principale, alors qu’il pourrait y avoir complémentarité,
que ce qui devrait compter, c’est la mise en place d’un système qui assure la pérennité
tout en étant raccord avec une certaine éthique telle que le véganisme antispéciste. »
Lui : « N’êtes-vous pas vous-même persuadés de la solution sans être pouvoir être certain d’avoir raison ?
Et pourquoi tu parles de votre époque ? Tu es tellement rêveur que tu te désolidarises de notre époque ? »
Moi : « Euh… Oui mais non. Façon de parler, et de se projeter, comme si je jugeais depuis un autre rivage du temps, une autre époque
dans le cause à effets, en essayant d’être le plus juste et holistique possible, même si c’est vrai que je ne puis être certain d’avoir raison.
Toutefois, je t’invite à t’intéresser à certaines thèses, telles que celles de Bernard Friot, du réseau salariat, et de Peter Joseph, si ce n’est déjà fait. »
Je lui expliquai ensuite l’intérêt du véganisme antispécisme, lui envoyai quelques liens datant de son époque, tel que « Jérôme Segal : « Qui sont les animaux ? », à propos du souci économique, écologique, politique et éthique, de la cause animale, la cause palestinienne, un article où est abordé la critique de la part de certains et l’intérêt du véganisme antispéciste anticapitaliste : https://www.revue-ballast.fr/jerome-segal-qui-sont-les-animaux/ », puis nous discutâmes encore un peu des stratégies, des moyens de parvenir à un changement de système, à une révolution de système, de paradigme, tournant finalement un peu en rond dans la conversation. Avant de prendre congé, je le réinvitai à s’intéresser aux thèses évoquées précédemment, dont regarder la conférence « Une société viable » ou traduire – à l’aide d’une application – et lire la transcription dont je lui envoyai le lien :
Une société viable (transcription complète) : https://peter-joseph.medium.com/a-viable-society-full-transcript-ac12c123fa53
Je ne sais pas si nous avons réussi à le faire changer d’avis, à revoir l’ordre de ses priorités.
En fait, vous devriez l’avoir compris, le comprendre : nous étions raccords sur l’analyse de certains soucis, pas la cause première de sa militance « se focaliser sur la technologie comme principal levier de lutte », quand la focalisation devrait se porter tout simplement sur le fonctionnement systémique avec un objectif de pérennité, qu’une mauvaise ou pas assez bonne analyse engendre des erreurs de stratégie et freine l’avènement de solutions. Je pensais et pense qu’il manquait de conscience de la cause, des effets, de stratégies et de solutions, et que nous avons pas forcément pensé sur le coup aux meilleurs arguments pour le contredire, pour un monde meilleur. Je me rassurai en me disant qu’il y réfléchira de lui-même à tête reposée après avoir lu et vu les docs suggérés.
Alors que nous le laissâmes et avions commencé à nous promener sur les berges du fleuve, savourant la vue d’un paysage qui nous paraissait extraordinaire, nous eûmes une sorte de perte de conscience et l’instant suivant je me retrouvai à nouveau main dans la main avec Œil d’aigle, debout dans l’autre lieu de mon cauchemar, une arène au cours d’une manifestation d’opposition à la mise à mort d’animaux et pour la fin des abattoirs en slogans. Des gens coururent vers nous, l’air haineux. Ceux déjà arrivés à nous donnaient des coups de pieds à certains tout en tentant de secouer, de désolidariser par leurs mains. Je poussai un cri de colère, de rage qui les fit s’arrêter et me lançai dans un sermon qui m’a semblé être très inspiré.
Une fois terminé, la voix exténuée, nous quittâmes ce moment. Notre conscience, notre esprit fut ramené à notre époque.